Le « gueulard » clame très haut et très fort, aux portes d’un quartier de la cité réputé dangereux que lui, avec son mètre soixante bras levé, pourra sans crainte traverser cette zone de possibles turbulences car il est « aussi rude qu’un féroce guerrier Tikar » ! Oui, car le gueulard est un vantard. Un embellisseur de sa personne, toujours vainqueur de toutes les batailles de la vie. De nuit comme de jour. Le gueulard narre ses exploits qui débordent de virées alcoolisées dans ces bars noyés au fond d’un elobi, oui oui, vous savez, ces lieux fabriqués pour oublier les misères de quotidien et peuplés d’accortes gazelles aux courbes suggestives dansant maladroitement au son d’un coupé-décalé que crache un ampli tuberculeux). Le gueulard récite ses succès à un public conquis. Aussi nombreux que ces noms qu’égrènent les chanteurs zaïrois à la rumba nonchalante, le gueulard en oublie certains. Le gueulard a défié les centurions des armées invaincues, les génies des plus terribles sorciers, les vents et les marées… Gueulard, en fait, pour dire vraiment vrai de vrai chaque bipède au Cameroun-berceau-de-nos-ancêtres est un gueulard. C’est génétique. Ou plutôt c’est « sanguinaire ». Pour rependre (avec le respect dû à son rang) la formule osée d’une fameuse… gueularde. Le Camerounais est le plus beau. Le Camerounais est le plus grand. La preuve ?! Il a organisé la plus éblouissante cérémonie de tirage au sort de tous les temps. Ceux de la Coupe d’Afrique des Nations. Et même des autres temps aussi. Nous l’avons vu, avec nos grands yeux ébahis, scotchés que nous étions devant nos téléviseurs. Depuis mardi soir c’est la chanson qui tourne en boucle. Hélas, trois fois hélas, elle sonne … faux ! L’agence de communication qui a imaginé (et vendu très très cher) la scénographie dont nous sommes aujourd’hui si fiers est basée à Rome. En Italie. Là-bas chez les « Blancs ». Et, sur l’estrade, avant que ne débute le spectacle, des « Blancs » s’affairaient à raccorder les micros qui devaient l’être, à réajuster les éclairages, à vérifier une dernière fois le plissé de la moquette. De Camerounais point. Mais qu’importe diront les bonimenteurs. Car nous les Gueulards à la mémoire oublieuse avons cessé de nous souvenir, qu’il n‘y a pas si longtemps, cinq petits Chinois outillés d’un tournevis et d’une sacré dose d’abnégation au travail, achevaient la construction d’un immense édifice au centre de la ville de Yaoundé passé ainsi, après de longues années trop longues années goinfrent en CFA notamment, d’immeuble de la Mort à immeuble… Emergence. Mais c’est comme ça, au pays de Françoise-Mbango-et-Jean-Marc-Ela : la victoire est à celui qui la chante. Pas à celui qui la mérite.